| Marrakech. Ville de tous les moeurs. |
"Aujourd'hui j'ai vingt ans. Aujourd'hui j'ai vingt ans et je vais mourir. On m'a attaché les mains, liés les pieds, puis on m'a gentiment prié de m'asseoir. J'ai attendu. Quelques minutes ou quelques heures plus tard, un homme est venu me voir. Il portait une chemise blanche plein de taches de café. Ou d'autres choses d'ailleurs. A la réflexion, je n'en sais rien. Il est venu me voir et m'a donné une grande claque dans le dos. En fait, il m'a collé un autocollant. Un autocollant avec un numéro dessus: 93. 93? Mon numéro? Je suis le quatre-vingt treizième? Ce n'est même pas mon numéro de cellule.
Aujourd'hui j'ai vingt ans pour toujours.
Aujourd'hui je vis pour la première et la dernière fois.
Aujourd'hui je vis pour oublier que ma fin est là, que la lumière au bout du tunnel n'est plus très loin. Aujourd'hui je dépose les armes et tend fièrement mon drapeau blanc. L'homme me demande de le suivre. Je m'exécute sans poser de question. J'ai compris. Le dernier devait être le 92. Maintenant c'est mon tour.
Aujourd'hui j'ai vingt ans pour toujours. J'aurai vécu vite, je serai mort jeune et j'aurai fait un beau cadavre.
Aujourd'hui je met pour la première et dernière fois un pied devant l'autre.
Aujourd'hui je comprend enfin le sens de mon voyage. Mon voyage n'aura pas été un long courrier, mais quelle importance?
Aujourd'hui j'ai vingt ans et je suis homme. Je suis tout ce qui représente l'homme.
Aujourd'hui je vais respirer une dernière fois en ayant compris pourquoi les collines sont toujours là.
Aujourd'hui j'aime pour la première fois sans souffrir. On m'a dit que l'amour était subjectif, et pourtant ça ne fait que souffrir. J'ai toujours cru au bonheur. Adolescent, il n'y a pas si longtemps que cela, j'y croyais déjà au bonheur. Pourtant de nos jours les gens n'y croient plu. Ils sont trop occupés à regarder au fond de leur verre.
Aujourd'hui j'ai vingt ans et pour la première fois j'ai regardé au fond du verre de ma voisine. Je fini par me dire que le bonheur n'existe peut-être pas. Je me demande si en fin de compte, j'ai compris le sens de mon voyage. Je regarde la mer, pour la dernière fois je me pose les question. J'ouvre la boîte de Pandor. J'ose enfin affronter mes cauchemars. Je ne comprend pas tout, mais quelle importance? Je n'ai qu'à faire comme si et personne n'y verra rien.
Aujourd'hui j'ai vingt ans et je me demande enfin si j'aime. Aimer est subjectif à ce qu'il paraît. Je pense que je deviens fou. Ca doit être pour ça que je n'ai rien vu venir. Après tout, on ne m'avait pas prévenu. Personne ne m'avait préparé à un monde si dure! Comment j'aurai pu savoir, moi, simple adolescent qui croyait naïvement au bonheur que la vie serait comme ça? Au lycée on apprend les mathématiques pour savoir compter, le français savoir lire, les langues pour pouvoir parler, l'histoire pour se cultiver. Et la vie? Qui nous l'apprend la vie?
Aujourd'hui j'ai vingt ans et je vais mourir.
Aujourd'hui je vais regarder pour la dernière fois le ciel.
Aujourd'hui c'est mon anniversaire.
Aujourd'hui c'est la fin de ma vie, aujourd'hui je vais mourir. Aujourd'hui j'ai vingt ans et pour toujours. Aujourd'hui j'ai vingt ans pour toujours. Pour toujours."
By Coco.
Colette je savais toujours tes grands talents pour l'écriture, mais là tu m'impressionne!!!
RépondreSupprimerMoi aussi Colette , je suis baba d'admiration devant ce texte magnifique , très émouvant . Tu ne vas pas tarder à te faire publier et connaître , n'est-ce pas ?
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